Après une formation de psychologue, la découverte de la pierre, dans une urgence de vie, a transformé mon existence.
Je n’avais d’autre choix que de m’y consacrer, la création prenant le dessus sur tout le reste. De ce jour, ma vie d’artiste n’a cessé de contribuer à mon épanouissement personnel.
Après un démarrage autodidacte fulgurant, j’ai eu envie et besoin d’aller plus dans ma démarche d’artiste : me former dans ma discipline avec un CAP tailleur de pierre, diplôme d’ornementation. Compléter mon savoir pour apprendre à exploiter la matière dans sa difficulté et sa diversité.

Plusieurs expositions personnelles m’ont permis de constater à quel point il était difficile, non d’être reconnu dans une démarche créatrice mais dans la vente d’œuvres découlant d’un long travail où la matière impose le rythme, la cadence, le temps et par conséquent un coût.

La pierre prend beaucoup mais restitue au centuple l’énergie lâchée. La force et la puissance de la matière engage profondément l’être.
Dans cette démarche psychologique et créatrice, corps et esprit fusionnent pour donner forme à une émotion.
La transformation de la matière, n’est certes pas anodine. Toute cette puissance liée à la pierre se devait d’être partagée.
Tout d’abord dans un cadre familial et amical, je m’apercevais à quel point la matière pierre avait une résonnance profonde à qui voulait bien s’autoriser, se croire capable.

Prêter une massette et un ciseau pour un instant revient à se laisser déposséder de ses outils pour de longues heures.
Faire partager ma passion a été le point de départ d’un désir de transmission.
Pendant mes années fac, j’ai été responsable de centres de loisirs. J’ai mené avec mes équipes de passionnants projets pédagogiques et éducatifs.

Le lien était bien là, transmettre et échanger à travers ma spécialité.
Je me suis lancée avec beaucoup de doutes mêlés d’un grand enthousiasme, persuadée intuitivement que cela ne pourrait que fonctionner.

Si la pierre m’avait autant touchée et épanouie, il était fort probable que d’autres ressentent ces mêmes émotions.
Mon intuition s’est révélée exacte. La puissance de la pierre est tout à fait fascinante. L’émotion transmise est quantifiable chez chacun d’entre nous.

Pierre et bois sont les deux seules matières où l’on enlève et l’on ne rajoute pas.
La pierre fait partie de notre inconscient collectif. Depuis la nuit des temps, nos ancêtres se sont abrités, ont bâti, ont crée.
Nous n’avons rien inventé depuis l’antiquité, rien fait de plus beau, de plus majestueux que les temples Grecs, ces corps antiques à la plastique parfaite ou autres beautés Egyptiennes ou Mayas.
Ces cultures, ces civilisations léguées à travers la pierre. L’homme a donc toujours souhaité laisser des traces de lui, qui traverseraient le temps.

Qui d’entre nous n’a pas ramassé un caillou en se promenant ; pourquoi cette attirance ? Pourquoi la magie s’opère-t-elle systématiquement ?

Notion d’indestructible. Transformer la matière ; faire et créer quelque-chose qui nous survivra.
Enfanter pour l’éternité…

Dans nos sociétés où le temps n’a plus la même valeur - faire vite, bien ou mal - la pierre nous recentre sur l’essentiel.
Evidences : respect de la pierre, respect du temps, accouchement lent et progressif d’émotions profondes qui, au fil du travail, se construisent, se transforment, s’apprivoisent, se respectent afin de donner plus de force intérieure.
Dans la négation de soi il est facile de barbouiller une peinture pour la faire disparaître, s’effacer. Tout travail de modelage peut se casser en mille morceaux pour ne pas laisser de trace… de soi ; un dessin peut se déchirer, on peut le brûler comme on se déchire ou brûle de l’intérieur.


Il est en revanche difficile d’effacer son empreinte, sa trace dans un caillou.
Il est bien question de se gagner quelque-chose de vrai que rien ni personne ne pourra nier ou détruire ; y compris soi même.